La face cachée des croisières
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Pour notre dernière matinée à bord du bateau Lan Ha Legend Cruise, une nouvelle activié kayak est proposée, cette fois-ci bien plus proche du lieu de stationnement des bateaux de nuit.
La guide nous laisse seuls et nous suggère d’aller voir les fermes de poissons un peu plus loin. Peu enjoués par cette visite, nous décidons de partir dans l’autre direction. Au loin, beaucoup de déchêts de la baie semblent s’entasser ici, en raison des courants et du vent.
La réalité que nous y découvrons, à seulement 300 mètres de notre bateau, est encore pire que ce que nous envisagions. Des centaines de bouteilles plastique, canettes de bière, gobelets en plastique, sacs plastiques, produits d’entretien, emballages de nouritture, bouchons et autres déchêts recouvrent la surface de l’eau.
Chaque jour, les courants portent les déchêts vers cet endroit de la baie. Nous avions remarqué la veille, vers 16h30, que de très nombreux déchêts flottaient autour du bateau et que l’eau était trouble.
Nous ramassons, incrédules, des déchêts pendant 45 minutes, sans arrêt. Impossible d’enchaîner deux coups de pagaie sans tomber sur de nouvelles ordures. Nous nous activons à en ramasser le plus possible, mais devons nous arrêter lorsque notre kayak est plein. L’étendue de déchêts dans cette direction, derrière tous les bateaux de la baie, semble infinie. Pour cette raison, aucun bateau ne circule dans cette direction. Nous n’arrivons à ramasser que les déchêts en surface. La plupart du plastique semble être sous l’eau, à tapisser le fond.
Dans l’immense majorité des arbres le long de la baie, des sacs plastiques sont venus se loger.
Il est difficile pour nous de ne pas faire de lien avec les dizaines de poissons morts que nous avions découverts la veille un peu plus loin. Par la nature des déchêts, nous en sommes convaincus, ces dêchets proviennent des bateaux de croisière directement, des cuisines, des touristes… Nous avons échangé avec de nombreux touristes ces deux derniers jours. Tous ont une grande conscience écologique et jamais un d’entre eux ne jetterait un déchêt par dessus bord. Alors que nous continuous notre tour de kayak-poubelle, nous trouvons un sac poubelle transparent, rempli de bières, de cure-dents et de serviettes de table, comme ceux dans lesquels le personnel des bateaux collecte les déchêts de la soirée. Nous trouvons également proche de ces sacs des déchêts alimentaires comme ceux utilisés par les cuisines, et des palettes de polystirène utilisées pour les livraisons de produits sur les bâteaux. Plus de doute maintenant, ces dêchets sont volontairement jetés à l’eau par le personnel des différents bateaux de la baie. Les bières sont les mêmes que celles servies à bord de notre bâteau et des autres bâteaux. Les touristes comme nous pensent tous que ces déchêts sont triés et recyclés une fois ramenés à terre. Au lieu de ça, un millenaire de dégradation au fond des océans dans une des plus belles baies du monde attendent nos déchêts.
Nous revenons de notre tour en kayak, remplissons deux bassines complètes de déchêts, et demandons à notre guide des explications sur les sources de ces déchêts. Confuse, elle nous parle du fait que quelques déchêts s’envolent et que les bateaux ne courent pas après pour les rattraper. Il n’y a pas de vent, difficile d’y croire. Elle finit par admettre en voyant le sac poubelle de bières que certains bateaux jettent des déchêts par dessus bord la nuit. Cela leur coûte probablement moins cher s’ils sont taxés sur leurs déchêts, ou leur évite de devoir décharger leurs ordures à terre.
Impossible de savoir quels bâteaux adhèrent à la pratique. La veille, Maël avait remarqué un sac poubelle qui semblait s’éloigner de notre bateau…
Après seulement 45 minutes de ramassage, la surface semble déjà bien plus propre dans cette zone. Les plages, les arbres et le fond de l’eau croulent cependant tojours sous les déchêts.
Dès que nous nous éloignons de la baie où sont situés tous les bâteaux de nuit, la densité de déchêts est bien moindre. Il y en a également, ce qui est déjà un drâme vu l’environnement dans lequel nous avons la chance de nous trouver au moment où nous écrivons ces quelques lignes.
Le plus alarmant est peut-être de savoir que nous avons choisi le plus petit bateau, dans la baie la moins touristique du coin, en ayant choisi les activités les moins polluantes (kayak, nage, vélo). Nous ne stationnons par aux mêmes endroits que les plus gros bâteaux de la baie de Lan Ha, qui ressemblent à des yachts de milliardaires de plus de 60 mètres à plus de 500 euros la nuit.
De plus, nous ne passons pas par la baie d’Ha Long. 400 bâteaux évoluent autour de Cat Ba, mais moins de 20% d’entre eux sur la baie de Lan Ha. Notre guide nous parle d’un traffic 5 fois plus intense à Ha Long. Nous n’osons imaginer l’état de la baie d’Ha Long autour des lieux de stationnement des bâteaux.
C’est une réalité que les croisièristes ici souhaitent bien évidement cacher, les déchêts sont jetés de nuit, le courant les emporte dans des endroits où personne ne se rend.
Le gouvernement a déjà interdit la pêche dans certains endroits de la baie en raison de la sur-pêche. Tous les bâteaux proposent cependant des activités de pêche pour divertir les touristes. Les poissons pêchés, après avoir agonisé sur le quai du bateau, sont servis en apéritif. La plupart des toursites n’y toucheront même pas, tant la quantité de nourriture qui suit est abondante. Ils seront finalement rejetés par dessus bord. Nous avons au final l’impression d’un immense gâchi et d’un saccage organisé de l’écosystème au sein de l’un des endroits les plus spéctaculaires de la planète.
Au moment du check-out dans la matinée, nous repartons avec nos poubelles des trois derniers jours. Il est impensable pour nous de voir certains de ces déchêts finir au fond de la baie. Nous nous en débarasserons une fois à l’hôtel, en espérant un meilleur traitement.
Lorsque nous nous rendons au port d’Ha Long, à Ha Long City, où notre bus pour Hanoi nous attend, nous découvrons une toute autre réalité que le petit port allant vers Lan Ha que nous avions emprunté au départ.
Des dizaines de bus, des centaines d’hôtels, plus de 400 bâteaux, des milliers de touristes s’amassent sur les quais, tous partant vers la baie d’Ha Long. Les bâteaux sont immenses. Les toursites viennent d’Europe, de Chine, d’Inde essentiellement. Certains n’hésitent pas à acheter des paquets de chips, et à les transporter dans des sacs plastiques, alors même qu’ils n’afficheraient pas ce genre de comportement chez eux. Il y a énormément d’hôtels en construction, la plupart des bâtiments sont encore vides. Les routes autour sont en construction. Nous avons l’impression que l’activité touristique de la baie d’Ha Long n’en est qu’à 50% de son potentiel.
Nous repartons de cette baie avec le sentiment que:
- le comportement des croisiéristes vis-à-vis des déchêts est simplement honteux
- certains touristes n’hésitent pas à consommer énormément de plastique pendant ces croisières
- la situation est bien pire à Ha Long
- personne n’ose en parler
- cela affectera leur tourisme à travers le temps
- l’effet du tourisme est immédiat, et les déchêts de la baie sont directement corrélés avec la fréquentation
- il faut absolument repartir avec ses propres déchêts et ne pas faire confiance à l’équipage de son bateau
Nous avons cependant l’impression que tout est encore réversible. Le gouvernement a pris certaines mesures de protection de l’environnement à Hanoi par exemple. Il n’est peut-être pas trop tard pour ces baies.
Ce soir, nous sommes de retour à Hanoi. Nous quitterons le Veitnam demain soir.